BIBLIOGRAPHIE COMMENTÉE
Annotated Bibliography

Comptes rendus, notes de lecture, notices sur les livres reçus

 

 


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Daniel Abrams, The Book Bahir, An Edition Based on the Earliest Manuscripts, with an introduction by Moshe Idel, Cherub Press, Sources and Studies in the Literature of Jewish Mysticism, Cherub Press, 9323 Venice Boulevard, Culver City, Californie, 90232.

Un simple regard sur la table des matières de cet ouvrage cartonné de 355 pages suffit pour avoir une première idée de la somme de travail qu'il représente et de sa rigueur scientifique. Ce livre ne constitue pas une édition critique du Bahir au sens ordinaire, ce qui à soi seul suffirait pour le classer parmi les éléments indispensables d'une bibliothèque d'études juives qui se respecte. Il contient non seulement une telle édition, basée sur les plus anciens manuscrits, mais il recèle tout ce dont un chercheur peut avoir besoin pour enrichir, éclairer et faciliter ses investigations : une étude de l'histoire de la rédaction et de la réception de ce premier écrit connu de la cabale médiévale, dont la date précise de rédaction reste une énigme, de l'histoire des versions imprimées et des travaux scientifiques, des listes des témoins manuscrits, des commentaires qui en ont été faits, des écrits cabalistiques qui citent et commentent le Bahir, les passages inconnus que l'Auteur de cette édition a retrouvés dans d'autres livres. Il comprend un fac-similé du plus ancien manuscrit, qui a été copié en 1298 et qui est ici imprimé en face de l'édition critique et lui correspond page par page, les passages du Bahir tels qu'ils ont été imprimés dans l'édition princeps du Zohar à Crémone en 1558, un fac-similé de l'édition princeps du Bahir, imprimé à Amsterdam en 1651, enfin une bibliographie très ample dont la précision va jusqu'à signaler les analyses occasionnelles de passages du Bahir à l'époque moderne. Cette présentation succincte ne donne cependant que de façon imparfaite l'impression d'ensemble qui se dégage du travail d'édition phénoménal auquel s'est adonné Daniel Abrams. Le texte principal, les notes, les mises en page synoptiques des différentes versions qui permettent au lecteur de voir directement l'évolution du texte lors de sa transmission, sont d'une lisibilité irréprochable, ce qu'un papier de bonne qualité rehausse encore en confèrant à la consultation du livre un caractère agréable. L'Auteur n'a négligé aucun détail et n'a pas ménagé sa peine pour offrir à la recherche dans le domaine de l'histoire de la mystique juive, de la transmission des textes hébreux au Moyen Âge et de leurs commentaires un outil précieux qui est aussi l'un des plus beaux fleurons de l'édition scientifique contemporaine de textes hébreux. Il représente également un événement dans l'histoire interne des études cabalistiques, puisque, paraissant cinquante après les Grands Courants de la mystique juive de Gershom Scholem, qui fraya la voie à l'étude savante dans ce domaine, il est le fruit le plus abouti du travail de recherche sur le premier écrit qui contient l'ensemble de la doctrine ésotérique juive qui sera désignée par le mot "cabale" (de qabbalah, tradition). Rappelons que Gershom Scholem avait publié en Allemagne une traduction annotée du Bahir (1923) dont il n'a jamais édité le texte hébreu du manuscrit de Munich qu'il avait pris pour base, bien qu'il n'ait pas cessé d'enrichir l'étude du Bahir par divers articles et par le chapitre qu'il consacra à ce livre fondamental de l'histoire de la mystique juive dans Les Origines de la Kabbale (ouvrage publié pour la première fois en français dans la collection "Pardés" fondée et dirigée par Georges Vajda chez Aubier-Montaigne, Paris, 1966). Il a donc fallu attendre soixante-dix ans pour que le travail pionnier du jeune Scholem sur le Bahir soit complété et parachevé par un jeune chercheur américain, qui travaillant à l'institut israélien des microfilms ainsi qu'à la bibliothèque de l'université hébraïque qui porte le nom de Scholem, a pu tirer le meilleur parti de l'immense réserve de microfilms et de livres anciens qui s'est constituée au fil des années. Au fil de la lecture, l'impression se dégage peu à peu que le Bahir constitue non pas un livre mais un corpus ouvert dont l'évolution est rendue perceptible de visu par la méthode d'édition choisie par l'Auteur, qui met à la disposition du lecteur toutes les ressources nécessaires à une meilleure intelligence du texte mais aussi de son mouvement à travers les générations et les diverses écoles de cabalistes qui l'ont reçu et transmis tout en participant activement à sa réélaboration et à son amplification.

Daniel Abrams explique longuement la méthode qu'il a suivie pour établir son édition critique, compte tenu de la nature du texte très particulier auquel nous avons affaire. Il nous rappelle d'abord les principales hypothèses que Gershom Scholem a émises quant à l'origine et à la nature du Bahir et leurs évolutions tout au long de sa vie. Il montre d'une part que la présence du mot "le plein" (= ha-malé) dans le Bahir ne constitue pas une traduction du grec pléroma et n'est en rien une preuve de l'origine gnostique de l'ouvrage. D'autre part il démontre de façon très convaincante que le livre intitulé par un auteur mystique achkénaze Sod ha-Gadol et qui comprend des fragments semblables à certains passages du Bahir ne peut d'aucune façon être identifié au Sefer Raza Rabba qui appartient à la littérature magique de la fin de l'Antiquité. Le Bahir a été rédigé non pas en Orient, comme le pensait d'abord Scholem, mais en pays achkénaze, et il a été ensuite remanié par les premiers cabalistes de Provence qui lui ont donné la forme que nous lui connaissons aujourd'hui. L'Auteur présente le status quaestinonis des relations des premiers cabalistes avec le Bahir dans la recherche contemporaine, et fournit au lecteur un panorama quasi exhaustif des travaux qui ont été entrepris dans ce domaine. En particulier, il rappelle l'hypothèse formulée par Elliot Wolfson selon laquelle certaines parties du Bahir puisent à une source judéo-chrétienne ancienne et réélaborent des concepts comme ceux de l'arbre cosmique, du juste, du messie, dans une intention polémique. Ensuite D. Abrams aborde le problème général de l'édition de textes hébreux anciens et médiévaux, ce qui témoigne d'un effort de réflexion théorique remarquable sur la nature de cette entreprise, ses difficultés méthodo-logiques, ses limites et ses résultats. Enfin il expose les raisons qui l'ont conduit à choisir parmi la centaine de manuscrits du Bahir qu'il a consultés, et dont il procure la liste exhaustive, deux manuscrits complets du XIIIe siècle, le Ms. Munich 209 et le Ms. Vatican 110 (qui a été copié en fait au XIVe siècle à partir d'une source plus ancienne clairement spécifiée par le copiste). Ces Ms. sont les plus anciens et les mieux conservés dans leur intégralité. L'Auteur accorde néanmoins au Ms. de Munich une place privilégiée puisqu'il sert de base à son édition et qu'un fac-simile est reproduit au regard de la transcription typographique. Notons au passage l'exploit éditorial qui a consisté à faire coïncider face à face et avec la plus grande exactitude une photographie du manuscrit et sa transcription. Celle-ci est découpée selon la partition adoptée par Scholem dans sa traduction. Elle est accompagnée d'un double jeu de notes : le premier relève les remarques marginales et les corrections des copistes et réviseurs médiévaux, le second indique toutes les variantes du manuscrit du Vatican. A la suite de ce qui constitue le corps principal de l'ouvrage, Daniel Abrams édite la transcription d'un certain nombre de paragraphes du texte de ces deux manuscrits en colonnes parallèles, ce qui facilite grandement leur étude comparée. Avant l'édition proprement dite, le lecteur avait été gratifié de tout ce que l'Auteur a pu rassembler en fait de couches littéraires anciennes du Bahir, extraites de citations du Sod ha-Gadol par R. Moïse ben Eléazar ha-Darchan dans son commentaire sur le Livre du Chiour Qomah, de traditions orales mentionnées dans différents manuscrits, de divers témoins d'une édition ancienne tirés du commentaire sur la Torah par R. Ephraïm bar Chimchon, du commentaire sur la prière de R. Yehoudah ben Yaqar, d'un livre de R. Menahem Tsiouni, du Otsar ha-Kavod de R. Todros Aboulafia, ainsi que de divers manuscrits et de divers auteurs comme R. Hillel de Vérone. En outre, D. Abrams rapporte aussi des citations du Bahir qui ne se trouvent pas dans le Ms. de Munich ni dans d'autres sources et qu'il a retrouvées dans des écrits cabalistiques dont la plus grande partie dans des manuscrits. D'un grand intérêt historique et bibliographique est le chapitre intitulé "Traductions, commentaires et la réception du Bahir" (p. 55-104) où sont énumérées les traductions et les commentaires qui ont été faits du Bahir dans toutes les langues et à toutes les époques, provenant des imprimés et des manuscrits. Ces listes sont présentées avec beaucoup de soin et elles sont accompagnées d'une notice critique et scientifique faisant état, entre autre chose, des travaux récents qui analysent ces commentaires ou ces traductions. La dernière partie de ce chapitre comprend une liste d'un nombre important d'ouvrages cabalistiques qui citent le Bahir et témoignent de sa réception. Outre le titre du livre, ses références éditoriales ou sa situation dans les bibliothèques s'il s'agit d'un manuscrit, D. Abrams indique les passages de l'oeuvre où le Bahir et cité et souvent des extraits de ces citations et les formules d'introduction qui les précèdent sont rapportées, ce qui permet une investigation approfondie couvrant une partie importante de la littérature cabalistique relative à la façon dont il a été reçu suivant les générations de cabalistes, les écoles et les auteurs. Cette exploration d'une partie significative de la littérature cabalistique, bien qu'elle ne puisse évidemment viser l'exhaustivité, est suffisamment ample, rigoureusement documentée et diversi-fiée pour rendre possible une approche globale de l'histoire de la réception non seulement du Bahir comme un tout, mais de chacun de ses paragraphes en particulier. A cet égard, les références indiquées jadis par Scholem dans sa traduction allemande, sont toutes reprises et considérablement augmentées. Notons que les passages du Bahir cités dans le Zohar ont été relevés d'après les remarques marginales que Scholem a insérées dans son exemplaire personnel de ce dernier ouvrage, qui a été reproduit récemment en fac-similé (Magnés, Jérusalem, 1992). Ces remarques sont cependant incomplètes (il faudrait ajouter par exemple pour la première partie du Zohar les fol. 211a pour Bahir § 95, 247a pour Bahir § 82). Les citations du Bahir dans les écrits hébreux de Moïse de Léon ne sont pas relevées. A la suite de l'édition critique des manuscrits de Munich et du Vatican évoquée plus haut, Daniel Abrams édite un fac-similé des fragments du Bahir édités dans le Zohar publié à Crémone en 1558 (bien avant l'édition princeps du Bahir), après quoi il passe en revue les autres éditions imprimées du Zohar qui comportent des paragraphes du Bahir, puis il présente une bibliographie critique et historique des éditions imprimées de cet ouvrage, qui est suivie d'une reproduction intégrale en fac-similé de l'édition princeps, publiée à Amsterdam en 1651. Après quoi l'Auteur extrait et réédite tous les passages du Bahir cités dans deux anthologies cabalistiques tardives, le Yalqout Réoubéni et le Midrach Talpiyot, qui les ont puisés dans divers manuscrits. Enfin une volumineuse bibliographie recense tous les travaux ayant trait au Bahir, et les pages où cet ouvrage est cité sont soigneusement répertoriées. Un tableau de correspon-dance entre le découpage de l'édition de Scholem (adopté pour la présente édition) et celui de l'édition plus populaire de Réuben Margaliot permet de passer aisément de l'une à l'autre. Un index des citations de tous les passages du Bahir qui apparaissent dans la version anglaise du livre de G. Scholem sur les origines de la cabale (The Origins of Kabbalah) et que l'Auteur nous procure, est également un précieux instrument entre les mains de quiconque souhaite entreprendre une étude systématique en ce domaine. Un index des citations bibliques dans le Bahir et une liste des manuscrits cités par D. Abrams dans son ouvrage closent la partie en hébreu. Celle-ci est suivie (ou précédée selon le sens de la lecture), d'un résumé en anglais. On eût souhaité que l'Auteur insère deux index utiles, qui font hélas défaut : un index des citations ou des réélaborations de textes rabbiniques dans le Bahir et un index thématique. Mais face à l'immensité du travail accompli qui témoigne d'une rare expertise dans l'étude des manuscrits médiévaux et de l'édition imprimée, d'une connaissance approfondie de la circulation des textes et des traditions orales dans les cercles des mystiques achkénazes et des cabalistes espagnols, d'une maîtrise parfaite de la mise en page, on ne saurait adresser de reproche à la science éditoriale de l'Auteur qui offre à la recherche dans le domaine des origines de la cabale un outil inespéré d'une qualité inégalée encore dans ce champ d'étude. Même une critique formulée contre le fait que l'Auteur suit le découpage des paragraphes de la traduction de Scholem au lieu de se contenter de reproduire la forme du texte du manuscrit ne me paraît pas pertinente dans la mesure où il édite face à sa transcription un fac-similé du texte source, ce qui permet au lecteur d'avoir constamment sous les yeux le texte continu du manuscrit. Dans l'introduction que Moché Idel a rédigée pour cet ouvrage (p. 1 à 6) où il traite de la place des conceptions et des grands thèmes du Bahir chez les premiers cabalistes, les tout premiers fruits du travail colossal de Daniel Abrams apparaissent déjà et permettent d'espérer une riche moisson pour les années à venir.

Charles Mopsik



Kabbalah: Journal for the Study of Jewish Mystical Texts, volume One, 1996, 320 p.

Édité aux éditions Cherub Press, ce nouveau périodique publié sous la direction de Daniel Abrams et de Avraham Elqayam est la première revue entièrement consacrée à la mystique juive. Cette première livraison comprend des articles en anglais, en hébreu et en italien. Les éditeurs, qui expliquent longuement les raisons de leurs choix, entendent fournir un instrument multilingue de haut niveau et aux exigences les plus rigoureuses pour donner à la recherche dans le domaine de la cabale et surtout de sa littérature une inscription digne d'elle dans l'univers académique. L'ouvrage est en lui-même un véritable objet d'art et l'on perçoit en tournant ses pages le soin extrême qui a été consacré à sa mise en page et à sa conception matérielle. Cet ouvrage élégamment relié, sous jacquette, est un régal pour l'amateur de beaux livres. Son contenu est une démonstration d'érudition et de science philologique et historique. Depuis longtemps attendue, sinon rêvé, voilà une revue qui satisfait pleinement aux critères les plus éprouvés des disciplines d'investigation textuelle. Dans la section anglaise, Daniel Abrams étudie les modes d'édition des livres de la cabale dans un article à la fois programmatique et visionnaire où l'édition électronique n'est pas oubliée. Son titre est en lui-même révélateur de la position de l'auteur : "Critical and Post-Critical Textual Scholarship of Jewish Mystical Literature: Notes on the History and Developement of Modern Editing Techniques" (p. 17-72). A notre connaissance, c'est la première fois que cette question, qui nous tient particulièrement à cœur, est abordée et traitée avec ampleur et finesse. Cet article, qui déborde d'informations bibliographiques de tous ordres vaudrait à lui seul la lecture de ce numéro si les autres contributions n'avaient été pas à la hauteur des ambitions affichées, ce qui n'est absolument pas le cas. Avec Ari Ackerman, dans "A Magical Fragment of David Ibn Bilia's Me'or Enaim" (p. 73-84) nous pénétrons un univers dont l'étude est particulièrement "à la mode" aujourd'hui. Il s'agit de l'édition d'un texte magique d'un poète et philosophe juif portugais du XIVe siècle. Dans la section hébraïque, nous découvrons, grâce au gigantesque travail d'Avraham Elqayam, la place et la fonction du mythe de la renaissance du Messie de Symrne (Sabbataï Sevi), dans des écrits, la plupart inédits, de ses adeptes les plus fervents. "La seconde naissance du Messie" (p. 85-166) , titre que nous traduisons de l'hébreu alors que le titre anglais est "The Rebirth of the Messiah" nous fait découvrir leurs extraordinaires constructions "mythiques". Élaborées à partir d'une réinterprétation et sans doute même d'une réinvention des motifs anciens de la cabale espagnole, le travail de l'imagination associative que déploient ceux qui désiraient croire au Messie juif même après sa conversion à l'islam est proprement prodigieux. L'auteur, d'une érudition époustouflante, nous fait assister sur le vif à la créativité inouïe dont est capable les hommes dans le domaine du croire quand il s'agit pour eux de sauver leur croyance quand tout à l'extérieur la condamne, y compris même le comportement de leur guide et de leur sauveur surhumain. De la page 167 à 204 Boaz Huss procure une édition critique annotée du "Dictionnaire des mots étrangers du Zohar" (beour ha-milim ha-zarot che-besefer ha-Zohar). Très soignée et très claire, ce travail met enfin à la portée du public sous la forme d'une édition critique établie à partir de l'ensemble des manuscrits ce petit ouvrage anonyme écrit, d'après les recherches de l'auteur, en Afrique du nord vers la fin du XVe siècle. Longtemps attribué au cabaliste d'origine espagnole Siméon ibn Labi (Fez et Tripoli de Libye, fin du XVIe siècle), B. Huss nous rappelle les critiques que cette attribution avaient déjà soulevées de la part de Moshé Hallamish. L'article de Dov Schwartz : "Worship of God or Worship of the Stars : The Polemics of R. Abraham Al-Tabib and R. Solomon Franco" (p. 205-272). Cet article est en fait l'édition critique d'un écrit de Abraham Al-Tabib (seconde moitié du XIVe siècle) adressé à son contradicteur, Salomon Franco, à propos de son commentaire sur le commentaire d'Abraham ibn Ezra. Les points de friction relevés par l'auteur portent particulièrement sur la magie astrale (en particulier la fonction de la planète Saturne, qui est décidément à l'honneur actuellement grâce aux travaux, du reste divergents, de Avraham Elqayam dans son article précité et de Moshé Idel concernant Sabbataï Sevi, nous y reviendrons) sur le destin de la nation israélite, sur les segoulot ou charmes protecteurs. L'auteur parvient à rendre la controverse vivante et passionnante, y compris pour un lecteur d'aujourd'hui, assailli par la vogue grandissante de l'astrologie. Dans une seconde partie, constituée de notes sur des manuscrits et des recensions d'ouvrages, un nombre impressionnant de nouvelles publications sont indiquées. On signalera particulièrement la note de Y. Tzi Langermann sur le Ms. de New York, JTSA Mic 2497, rédigée par l'un des meilleurs spécialistes mondiaux dans ce domaine, et la note critique de J. H. Chajes sur la figure du Dibbouk (à propos d'un ouvrage de G. Nigal, Dibbuk Stories in Jewish Literature, Jérusalem, 1994) d'un grand intérêt pour l'histoire de la cabale à partir du XVIe siècle. Je reste quelque peu pantois devant l'immense champ d'étude que déroule sous mes yeux l'auteur de la recension, dévoilant avec vigueur et subtilité une mine encore largement ignorée par les historiens de la cabale et par l'histoire des religions dans leur ensemble. La thèse que prépare l'auteur de l'article sur ce sujet est susceptible de renouveler en profondeur le regard des chercheurs en religion comparée (surtout des islamisans), en histoire sociale et culturelle et des anthropologues et sociologues du judaïsme. Il convient de remarquer aussi la note critique très savante d'Alessandro Guetta concernant l'édition américaine du livre Israël et l'humanité d'Elie Benamozegh (New York et Mahawah, 1994), accompagnée d'une préface et d'un appendice de Moshé Idel : "Kabbalah in Elijah Benamozegh's Thought". Ecrite par le meilleur connaisseur du savant et cabaliste italien de la fin du XIXe siècle, cette note ne manque pas d'indiquer les points forts et les faiblesses de la présente traduction ainsi que des annexes. Comme je l'ai dit, la revue Kabbalah est parfaite ou, oserai-je le dire face à un instrument si exceptionnel, presque parfaite. Pour une raison qui n'a pas été précisée par les éditeurs, cette revue ne comporte aucun résumé des articles et notes plus brèves qu'elle publie. Cette petite lacune comblée, le lecteur pourra plus aisément avoir une idée de la richesse fabuleuse de l'ouvrage d'un simple regard sur les abstracts (que j'aimerais en plusieurs langues, dont le français, mais c'est peut-être trop demandé). Les études de cabale sont maintenant pourvues d'un instrument sans pareil qui manquait douloureusement à ce champ d'étude. Le numéro 2 est annoncé pour bientôt. Avec l'ensemble de la rédaction du Journal des Études de la Cabale, nous lui souhaitons bonne chance et longue vie!

Charles Mopsik



Daniel Abrams, R. Asher ben David, His Complete Works and Studies in his Kabbalistic Thought, including The Commentaries to the Account of Creation by the Kabbalists of Provence and Gerona. Editions Cherub Press, Los Angeles, 1996, 380 p. [Titre hébreu : R. Asher ben David, kol ketavayv ve'iyounim bekabbalato].

Pour la première fois réunis en un volume, l'ensemble des écrits d'Acher ben David, le neveu d'Isaac l'Aveugle, premier cabaliste languedocien dont des écrits consistants sont parvenus jusqu'à nous, sont publiés sous la forme d'une édition critique appelée à devenir la référence dans le domaine des études de la première cabale. Quelques textes d'Acher ben David avaient été publiés dans les années 30 à l'instigation de Gershom Scholem par Zeev Hasidah, dans une série d'opuscules publiés à cent exemplaires sous forme de dactylogrammes dans la revue Ha-Segoulah (textes repris dans des cahiers destinés aux étudiants publiés par J. Dan et R. Elior). Ce triste sort réservé aux écrits de l'un des premiers cabalistes, dont l'œuvre s'avère inaugurale pour toute l'histoire de la cabale, vient d'être corrigé, métamorphosé par D. Abrams. Non seulement réparation a été faite, mais Asher ben David peut être considéré désormais comme le seul cabaliste ancien dont les écrits sont intégralement et critiquement publiés en un volume muni de tout l'appareillage nécessaire à l'étude de ses écrits. Rien ne manque à la satisfaction du chercheur (sauf un index thématique, nous y reviendrons). Tous les manuscrits disponibles ont été consultés, savamment utilisés, comparés, méticuleusement analysés. Le lecteur, même celui qui était familier des écrits d'Acher publiés par Hasidah, va de découverte en découverte - et de surprise en surprise. Ainsi, contrairement à une idée en vogue, Acher ben David est essentiellement l'auteur d'un unique ouvrage cohérent, une présentation générale de la cabale destinée à un public assez large, une sorte d'introduction, et non un écrivain qui diffusait seulement de cours exposés éparses et disparates. J'ai été particulièrement surpris, à la lecture de ce volume sans équivalent, de découvrir à quel point la pensée d'Acher ben David avait été d'une importance cruciale pour Moïse de Léon (et l'auteur du Zohar). Loin d'être un auteur obscur se réfugiant dans l'ésotérisme, Acher est sans doute le premier grand propagateur d'une forme d'élaboration cabalistique où le souci de comprendre et de faire comprendre l'emporte sur des considérations pieuses ou mystiques. L'impact de la philosophie y est aussi très sensible. C'est la porte longtemps scellé d'un inestimable trésor que Daniel Abrams a enfin ouverte. Le livre, parfait en tout point, est également un bel objet, relié avec soin sous jaquette, ce qui fait de sa lecture et de sa consutation un véritable plaisir, un plaisir de gourmet ! L'extrême vigilance érudite de son éditeur a su s'allier à un goût du meilleur aloi pour les beaux livres. Cette association heureuse entre la l'art du livre et la science a été, en quelque façon, récompensée par la Providence : en ouverture de l'édition du livre d'Acher ben David, c'est-à-dire du Sefer ha-Yihoud, Le Livre de l'Unité (il faudra désormais réunir la plupart des textes du cabaliste languedocien sous ce titre), se trouve un magnifique poème cabalistique, le premier du genre, écrit dans un superbe hébreu qui ne le cède en rien aux plus belles oeuvres hébraïques de la poésie médiévale.

Le manuscrit qui a servi de base à la présente édition se trouve à la bibliothèque de Moscou. Un tableau comparant le contenu de l'ensemble des manuscrits recélant des écrits d'Acher éclaire judicieusement le maquis des sources manuscrites que Daniel Abrams a patiemment arpenté (p. 41-45). Une traduction latine ancienne d'un texte d'Acher, due à Flavius Mithridate, tirée d'un manuscrit du Vatican (p. 289 et suivantes) est éditée ici par Severio Campanini. C'est une pièce supplémentaire à verser au volumineux dossier des travaux que les cabalistes chrétiens de la Renaissance ont consacré à la cabale et aux textes hébreux. A la fin de l'ouvrage, une édition critique du commentaire sur le récit de la création qui a circulé dans les cercles des premiers cabalistes, suivie d'une édition synoptique de ses différentes versions, couroune un travail digne de rappeler à l'humilité de nombreux chercheurs et universitaires blanchis sous le harnais. Quelques remarques plus techniques peuvent néanmoins être adressées à l'auteur. Une faute de frappe récurrente : dans les notes et la bibliographie, le mot "imaging" est orthographié "inaging " (e. g. p. 360). Surtout, un ouvrage aussi dense que celui qui nous est présenté aurait mérité un index de l'ensemble des sources identifiées, citations bibliques, rabbiniques et autres, ainsi que d'un index thématique.

Le souci de l'éditeur porte de façon presque exclusive sur l'histoire des écrits d'Acher, de leur circulation, de leur diffusion, de leurs copies et disséminations, sur la place de cet auteur dans l'historiographie des études de la cabale, en un mot sur tout ce qui concerne les textes d'Acher, et moins sur leur contenu exégétique, philosophique, théolologique. C'est seulement de la page 23 à la page 27 qu'il s'aventure sur le terrain des idées, en rappelant les analyses divergentes d'Ephraïm Gottlieb et de Moshé Idel concernant la doctrine des sefirot chez rabbi Acher, au sujet de leur situation ontologique en tant qu'instruments ou qu'essences. Cette discrétion de l'éditeur, qui évite de donner son opinion propre à ce sujet, ne doit cependant pas être portée à son discrédit. L'imposant contenu conceptuel du livre d'Acher ben David appelle un travail monographique sur le système de pensée et la doctrine de son auteur, travail désormais possible, voire nécessaire, grâce à l'œuvre de Daniel Abrams. L'ensemble des chercheurs, présents et avenir, peuvent maintenant accéder à la véritable œuvre écrite de l'un des tout premiers cabalistes, et dans doute d'un cabaliste de premier plan pour la profondeur et la vigueur de ses conceptions.

Charles Mopsik



Daniel C. Matt, God and the Big Bang. Discovering Harmony between Science and Spirituality. Jewish Lights Publishing Woodstock, Vermont, 1996.

Découvrir l'harmonie entre Dieu et le Big Bang ! Un ouvrage qui se présente comme le résultat d'une quête spirituelle est un fait plutôt rare parmi les chercheurs qui se sont longtemps consacrés à l'étude critique et à l'histoire de la cabale. Daniel Matt était surtout connu dans les milieux académiques comme l'auteur d'une édition critique du livre Mar'ot ha-Tsove'ot de David ben Yehoudah he-Hassid (1983), ainsi que d'une série d'articles érudits sur divers motifs de la cabale médiévale. Avec une anthologie de textes cabalistiques (The Essential Kabbalah (San Francisco, Harper, 1994), D. Matt a entrepris de rendre accessible son vaste savoir à un public plus large, mais aussi de donner une tournure délibérément plus subjective à ses travaux. Pour donner une idée du style de l'auteur, je citerais tout d'abord un extrait de Dieu et le Big Bang, celui qui est proposé dans la quatrième de couverture : "The human mind has devised alternative strategies - scientific and spiritual - to search for our origin. The two are distinct, but complementary. Science enables us to probe infinitesimal particles of matter and unimaginable depths of outer space, understanding each in light of the othe. Spirituality guides us through inner space, challenging us to retrace our path to oneness and to live in the light of what we discover ". Le Big Bang a-t-il quelque chose à faire avec Dieu ? se demande l'auteur dans la préface de son livre. Suivant ses dires, la question de l'origine est caractérisée par une quête commune aux scientifiques et aux théologiens. A partir de sources cabalistiques et hassidiques, l'auteur montre les points de rencontre entre la théorie du "commencement " du modèle cosmologique et le récit biblique tel qu'il a été réinterprété par les traditions mystiques du judaïsme. Il consacre aussi plusieurs pages à Jésus en lequel il voit un vrai continuateur de la Torah (p. 155-164) et une figure de hassid galiléen. Les Juifs, ajoute D. Matt, peuvent accepter Jésus, non le Jésus de l'Église ni Jésus-Christ, non pas le Messie ni le fils de Dieu, mais Jésus le Juif, cousin perdu pendant deux millénaires, mal compris, qui doit être entendu comme un enseignant (teacher) de la Torah dont le message, à condition qu'il soit débarassé de ce qui le dénature, possède un caractère salutaire. Entre l'origine primordiale et des considérations sur la vie actuelle, nous l'auteur nous convie à un grand voyage, en quête d'une vérité sans frontière. La cabale occupe bien sûr la première place et de nombreux textes classiques en sont cités, évoqués, analysés. Autant que nous puissions en juger, l'auteur semble bien informé des théories les plus récentes de la physique et de l'astrophysique. Il présente avec art et élégance les conceptions générales de la cabale, et ses opinions sont souvent pertinentes, mesurées et sages. Livre agréable à lire, qui n'exige aucune connaissance préalable et s'adresse à un lectorat très vaste, il est sans doute l'un des meilleurs ouvrages en son genre. La multiplication de livres sur des sujets apparentés, dans lesquels des auteurs mal informés tentent de bâtir des théories bancales sinon farfelues en amalgamant sans discernement et de façon fort maladroite des éléments puisés dans la cabale avec d'autres tirés des sciences contemporaines, est un phénomène qui, sans être vraiment récent, est actuellement à son apogée. Daniel Matt prouve que l'on peut écrire avec finesse et intelligence sur un sujet trop aisément mal traité. Malgré tout le plaisir que l'on prend à la lecture de son livre, il n'en reste pas moins que l'on reprocher à l'auteur d'éviter soigneusement d'entrer dans des discussions théoriques fondamentales, dans les questions les plus ardues relatives au domaine qu'il aborde. On peut trop facilement se sentir en plein accord avec les idées qu'avance l'auteur, et cela peut-être à cause de son penchant harmonisateur qui lui permet de faire l'économie de discussions épineuses et de débats consistants. Le climat enchanté qui baigne le livre de Daniel Matt, les fascinantes perspectives qu'il découvre sous nos yeux, les passionnantes connexions qu'il établit entre les théories cosmologiques et les conceptions des cabalistes, sont davantage intéressants pour le sociologue du religieux contemporain qui peut y déceler un signe supplémentaire du renouvellement du croire en des formes inédites, que pour le spécialiste de la cabale, il ne reste guère à celui-ci qu'à apprécier les habits neufs qui sont donnés au matériau dont il est familier.

Charles Mopsik



Sack, Bracha, The Kabbalah of Rabbi Moshe Cordovero [bi-she'arey ha-qabbalah shel rabbi Moshe Cordovero]. Mossad Bialiq, Jérusalem, 1995, 386 p. (en hébreu).

Voici enfin pour la première fois dans l'histoire des recherches sur l'un des plus importants cabalistes de tous les temps une véritable monographie consacrée à l'ensemble des aspects de la pensée de Moïse Cordovéro. Rédigée par une experte en ce domaine, sans doute le plus grand connaisseur actuel des écrits du maître de Safed, cet ouvrage mérite de figurer au rayon des livres indispensables à la science des études cabalistiques. Après une peinture de la vie et de l'oeuvre de l'auteur, suivie immédiatement par une analyse pénétrante de sa relation avec la littérature zoharique et avec la figure légendraire de R. Siméon ben Yohaï et ses compagnons, B. Sack nous fait découvrir la “théologie” de Cordovéro. Un fait historique majeur pour la transmission des doctrines est mis en avant : la conception du tsimtsoum (la contraction de l'Infini) avait déjà été développée par Cordovéro avant de devenir la pierre angulaire du système lourianique. Passant ensuite à la question de la nécessité de l'existence des “coquilles” (les qlipot ou puissances de l'impureté) pour servir d'enveloppe à la “sainteté”, le lecteur est invité à s'aventurer dans l'un des motifs les plus troublants de la doctrine cabalistique : l'idée que Dieu, la Torah et Israël constituent une seule et même réalité. La “Torah” justement fait l'objet de la section suivante : son statut dans la pensée de Cordovéro est étudié à travers son commentaire sur le Zohar (Or Yaqar) puis dans son Elimah Rabbati, oeuvre de maturité (dont l'auteur a récemment découvert des parties inédites, que l'on croyait perdues, un cinquième seulement de l'ouvrage ayant été imprimé). La prière, sa fonction théurgique et les dispositifs techniques pour lui donner toute la force requise closent cette partie riche en développements novateurs. L'anthropologie de Cordovéro est ensuite largement étudiée : l'homme comme miroir du monde divin, l'idée de responsabiblité sociale réciproque, son comportement, la sanctification du Nom de Dieu, ces sujets sont traités avec précision, clarté, et méthode. La connaissance de l'oeuvre immense, monumentale, de Cordovéro, que l'auteur a acquise durant de nombreuses années de recherche et d'enseignement lui permet de naviguer avec aisance et discernement dans les réseaux complexes de ses idées. Une section finale aborde en détail la vision de l'histoire du cabaliste de Safed : l'exil d'Israël et de la Chekhinah, les trois époques de la Rédemption messianique, la doctrine des cycles cosmiques, la messianité de Jéroboam, enfin la nature et le destin mystique de la terre d'Israël. En annexe, les deux premiers chapitres introductifs inédits du livre de Cordovéro intitulé Chi'our Qomah sont publiés pour la première fois avec une introduction et des notes critiques. Si l'ouvrage est essentiellement constitué d'articles publiés de 1982 à 1994 dans diverses revues savantes, il n'en représente pas moins le plus ample travail jamais consacré à Moïse Cordovéro, venant compléter l'ouvrage de Joseph ben Shlomoh édité en 1965, qui ne traitait que de la théologie du cabaliste et ne couvrait qu'une petite partie de son oeuvre, excluant son commentaire sur le Zohar et plusieurs parties du Elimah Rabbati.

Charles Mopsik


Alessandro Guetta, Philosophie et Cabbale. Essai sur la pensée d'Elie Benamozegh, Paris, L'Harmattan, collection "Judaïsmes", 1999, 354 p.

Voici un livre depuis longtemps attendu. Comme son titre l'indique, l'auteur s'est intéressé aux conséquences et aux aspects philosophiques de l'oeuvre de ce penseur juif italien de la fin du XIXe siècle. Celui-ci est parfaitement resitué dans son contexte historique et intellectuel, et des éléments biographiques, y compris quelques anectodes significatives, permettent d'avoir de lui un portrait vivant, sympathique mais jamais complaisant. Philosophiquement, le rapport critique à la pensée de Hégel est bien mis en évidence. En ce qui concerne la culture intellectuelle italienne, la place de Gioberti est soulignée en des pages éclairantes et denses. L'histoire de la pensée juive donne l'occasion à l'auteur de montrer sa vaste et profonde connaissance de la littérature exégétique, cabalistique et philosophique. En particulier, la querelle de Benamozegh avec S. D. Luzzatto présentée avec finesse et profondeur revêt une importance essentielle pour qui veut comprendre les enjeux liés au regard porté sur la cabale à cette époque charnière de l'histoire du judaïsme occidental. Celui que certains qualifiaient de "Platon du judaïsme italien" prend corps peu à peu au fil des pages et le lecteur est rapidement emporté par une lecture passionnante, instructive, qui lui réserve sans cesse d'agréables surprises. Si l'ouvrage n'est pas accompagné d'un index, des notes abondantes et une bibliographie copieuse procurent les éléments critiques indispensables à l'étude d'une oeuvre abondante et touffue qualifiée par l'auteur de work in progress. Ce ouvrage nous donne l'occasion d'insister sur l'importance des monographies consacrées à un cabaliste à l'heure où tendent à se multiplier les études généralistes parcourant l'histoire de la cabale de bout en bout ou qui en analyse des thèmes particuliers. De lecture agréable et accessible à un large public, il confère ses lettres de noblesse à cette forme d'écriture dans le domaine de l'étude de la cabale. Souhaitons que ce livre rencontre l'écho qu'il mérite et soit traduit dans différentes langues.

Charles Mopsik


Extract from review essay in Renaissance Quarterly, Fall, 1999: Jews at the Time of the Renaissance by Arthur M. Lesley

Philip Beitchman, Alchemy of the Word. Cabala of the Renaissance. Albany: State University of New York Press, 1998. xiv + 364 pp. $65.50 (cloth) and $21.50 (pbk). ISBN: 0-7914-3737-X (cloth), ISBN: 0-7914-3738-8 (pbk).

Karen Silvia de León-Jones, Giordano Bruno and the Kabbalah. Prophets, Magicians, and Rabbis. New Haven and London: Yale University Press (Yale Studies in Hermeneutics), 1997. ix + 273 pp. $37.50. ISBN: 0-300-06807-7.

... Translation, necessary to any cultural exchange between Jews and Christians, determined the fundamental character of Renaissance cabalism. All of the distinct traditions of Jewish Kabbalah that developed over several centuries in Spain, Provence and Italy derived authority from the assumption that the Hebrew language of the Bible contained the unique, original power of divine revelation that was granted to the ancient Israelites. Renaissance Christian Cabala, in contrast, invoked the prestige of Jewish Kabbalah as an ancient esoteric discipline, but disconnected the translatable concepts, hermeneutic methods and schemes of symbolic correspondence from their Hebrew associations. Cabala in Latin and the vernaculars applied these concepts and methods to quite different theological or magical purposes. The tiny difference of spelling between Hebrew "Kabbalah" and European "Cabala" indicates great differences between the texts and doctrines of the two traditions. Scholars’ inattention to the spelling may at times indicate lack of awareness of the different phenomena behind them.

Translation also has important effects on the modern study of Cabala and Kabbalah. Moshe Idel has cautioned scholars against reliance on accessible modern research, instead of original sources: "Some ... have tended to the notion that [Gershom Scholem’s] views on Kabbalah are tantamount to the Kabbalah itself. ... there is a widespread failure to distinguish between the authentic material and the opinions of scholars on the content of this material." (Kabbalah. New Perspectives, p. 17.) The caution applies in different ways to Giordano Bruno and the Kabbalah and to Alchemy of the Word, a survey of Renaissance Cabala.

In Giordano Bruno and the Kabbalah, de León-Jones demonstrates familiarity with current study of Cabala in English, French and Italian. Her book challenges Frances Yates’ influential characterization of Bruno, in Giordano Bruno and the Hermetic Tradition, as a magus who subordinated Christian hermeticism and cabala to "Egyptianism": "In his Cabala del Cavallo Pegaseo he appears to be totally rejecting Cabala for his purely Egyptian insights . . . according to him, the Egyptians are not only earliest, but best, and the Jews and the Christians later and worse." (Yates, 257) Although Yates qualifies the statement, she repeatedly asserts that Cabala was less important to Bruno than various forms of Egyptianism.

While acknowledging that that Yates provides a good introduction to Bruno’s Cabala, de León-Jones contends, "What Yates fundamentally misses is that ... Bruno uses the Kabbalah as a hermeneutic device to introduce and explicate his own theories. . . . Kabbalistic ideas are crucial for understanding how Bruno’s Hermeticism functions within his overall cosmological system. Bruno is not merely defining or presenting the Kabbalah: he is writing a Kabbalistic text." (20) The cabalists from whom Bruno learned, Pico, Reuchlin and Agrippa, did use Cabala mainly to support other, more fundamental beliefs, Christian or magical; Bruno, in contrast, tried to think cabalistically. This insight does not immediately solve problems, as a comment of Bruno’s shows: "Here then is Cabala, theology and philosophy: I mean a Cabala of theological philosophy, a philosophy of Cabalistic theology, a theology of Cabalistic philosophy, such that I am uncertain whether you have these three either as an entirety, or in parts, or as nothing ..." De León-Jones explains, "Bruno’s prose renders his meaning incomprehensible if the parts are not taken within the context of the whole phrase ...The three must be considered as a whole." (24)

To refute and replace the conclusions of Yates, de León-Jones undertakes exhaustive discussion of a sequence of Bruno’s writings: Spaccio della bestia trionfante, La cabala del cavallo pegaseo, L’asino cillenico del nolano and De gli eroici furori. The spirited commentary, supported by long citations in Italian and Latin, points out cabalistic antecedents and demonstrates Bruno’s constant creation and elaboration of an ambitious, idiosyncratic Christian Cabala. It seems unnecessary, however, to trace details of Bruno’s thought to Hebrew sources that he could not read. It is accomplishment enough to have shown that Bruno invented a coherent, if obscure, system of thinking that he called "Cabala." Others will have to judge how this study affects the overall understanding of Bruno.

Alchemy of the Word surveys "the Cabala of the Renaissance," characterized here as being divided into (1) "the Jewish stream," (2) Christian Cabala and (3) a "demiurgic Neopagan Cabala," or hermeticism. The book offers a fluent, very personal survey of what a modern literary scholar finds significant in Renaissance cabalism. The author discusses "the Jewish stream," mainly the Zohar, on the basis of Scholem’s scholarship, as background to Christian Cabala and hermeticism. The discussion extends beyond Cabala in the Renaissance to analogous concepts and motifs in modern literature and scholarship. To provide an external standpoint from which to evaluate obscure statements in Cabala, the author often invokes modern writers, such as Benjamin and Derrida, Freud and Jung, Bruno Schulz and Kafka.

As the first of the four loosely connected chapters announces, "Thinking about the Cabala in general and The Zohar in particular for a theory-drenched modern is certainly an intellectually dizzying enterprise, full of traps, aporias, paradoxes and outright contradictions." (11) The second chapter, "The Secret of Agrippa," surveys concepts found in Christian Cabala from Pico through Agrippa. The third chapter offers an idiosyncratic, "critical" Bibliographia Kabbalistica of many other cabalistic books: "I’ve set up this chapter, generally, in descending order of how much I have to say about the listed items. ... Often I use the title as a jumping-off place, following a trail of associations to relevant, sometimes much more recent places. So, for example, in ‘Saint Teresa’s Castles and Kafka’s,’ I leap from Garzoni’s Universal Castle to Kafka’s The Castle." (116) The fourth chapter surveys Cabala in England, through brief remarks about such figures as Spenser, Thomas Browne, Milton, Fludd and Dee.

A survey of Christian Cabala that could supersede the books by Joseph L. Blau (1944) and François Secret (1958) is desirable, but Alchemy of the Word is not that book. Discussion of dozens of authors requires a great deal of connecting historical narrative, and in this narrative stream the short passages of explanation and evaluation rush past too rapidly. The book offers many provocative statements, many informative ones, and many that are avoidably erroneous or obscurely brief. To undertake such an ambitious task without access to Hebrew for primary sources and modern scholarship; to characterize Kabbalah by relying heavily on the old studies of A. E. Waite, Adolph Franck, and Blau; and to ignore such important recent scholarship as Pico della Mirandola’s Encounter with Jewish Mysticism, is to attempt too much on an insufficient foundation. The learning, energy and wit that the book displays could have achieved more if directed towards a more modest goal.


L’EDIZIONE CRITICA DELLA PRIMA PARTE DELL’ IMMORTALE DI YOCHANAN ALEMANNO A CURA DI FABRIZIO LELLI. By Angela Guidi.