ALESSANDRO GUETTA

(INALCO et EHESS, Paris)

PHILOSOPHIE ET CABALE DANS LA PENSÉE D'ÉLIE BENAMOZEGH

Publié dans La Storia della filosofia ebraica, Biblioteca dell'Achivio di Filosofia, Cedam, Padova, 1993, p. 255-268.

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Curieux destin que celui d'Élie Benamozegh (Livourne 1823-1900): auteur brillant et fécond dans tous les domaines de la littérature hébraïque (y compris la halakhah), il doit sa renommée surtout à l'oeuvre d'un disciple chrétien, Aimé Pallière, qui en divulgua quelques idées fondamentales après sa mort. Apprécié, voire admiré, par des personnages de l'importance d'un d'Adolphe Franck ou d'un Avraham Berliner, en correspondance savante et philosophique avec Ernest Renan et Giuseppe Mazzini, il fut néanmoins obligé peu avant sa mort de publier à son compte ses derniers écrits, conscient de l'oubli qui les aurait, autrement, menacés.

Selon l'écrivain italien Elémire Zolla, Benamozegh aurait été une personnalité intellectuelle impétueuse destinée à l'échec dans le milieu de boiteux qu'était celui des philosophes italiens du XIXe siècle. A notre avis, son isolement se justifie autrement: il était légèrement décalé par rapport à son époque, et que le fait de se retrouver chez soi dans plusieurs mondes à la fois - celui de la tradition religieuse juive "orientale", puisque sa famille était marocaine, et celui de la philosophie occidentale - a fini par constituer un handicap.

Il fut cabaliste avant tout. Toute son oeuvre n'est qu'une plaidoirie passionnée pour la beauté, la vérité et l'ancienneté de la cabale, ce qui le rapprochait de la pensée du néoplatonicien catholique Vincenzo Gioberti (1801-1852) et lui inspirait une philologie philosophique rattachée consciemment à celle de Giambattista Vico. Mais son époque connaissait le triomphe du positivisme (auquel d'ailleurs il n'était pas étranger); et son panthéisme tempéré - qu'il tirait bien entendu du Zohar - aurait peutêtre trouvé des échos en Allemagne, où l'idéalisme post-schellingien et post-hégélien d'Eduard von Hartmann (1847-1906) formulait au fond des théories bien semblables: mais pas en Italie.

A côté de cela il faudrait expliquer sa marginalité relative par le fait qu'il fondait explicitement sa philosophie sur la cabale, ce qui n'était pas fait pour plaire aux grandes autorités intellectuelles du judaïsme italien et de l'Europe occidentale. Samuël David Luzzatto (1800-1865) considérait avec dédain un corpus de doctrines proches du christianisme qui pouvaient se répandre uniquement parmi les masses superstitieuses des Ostjuden: Graetz y voyait un dangereux vecteur d'obscurantisme.

Et Benamozegh avait beau expliquer que sa cabale n'avait rien à voir avec celle des hassidim, que le Zohar ne pouvait être apprécié que si l'on était doué de sensibilité philosophique son oeuvre était destinée à la périphérie des mondes savants occidentaux laïques et juifs traditionnels. Il était considéré comme un personnage non parfaitement aligné, un mélange singulier d'ancien et de moderne par les uns, et avait été condamné sévèrement par les autres: les rabbins d'Alep et de Jérusalem bannirent son commentaire sur la Torah, jugé excessivement séculaire et presque blasphématoire.

Privé de droit inconditionnel de cité, Benamozegh se voyait comme une image de Chagall: comme flottant dans l'air, repoussé avec plus ou moins de courtoisie par les deux bords, auxquels pourtant il croyait sincèrement appartenir.

Dans une critique très élogieuse, Adolphe Franck - qui était à l'époque (1878) l'un des personnages les plus prestigieux de la philosophie française - indiquait que le plus grand mérite du penseur livournais avait été de démontrer comment de nombreuses doctrines modernes trouvaient en effet leurs racines dans des époques et dans des aires géographiques bien éloignées du prétentieux XIXe siècle européen.

Nous préférons voir son oeuvre comme un cas exemplaire de réactualisation; avec quelques corrections et quelques omissions, des concepts proches de la gnose et datant au plus tard du XIIIe siècle parviennent à s'adapter à la philosophie européenne du siècle passé: à l'idéalisme - ce qui n'était pas impossible, comme l'oeuvre de Molitor le démontre mais aussi du positivisme, qui semble être le fils de son temps par excellence. Nous n'avons pas l'ambition d'expliquer comment cela a été possible: si cela dépend de l'existence réelle de permanences dans l'histoire ou bien du talent mimétique d'un individu. Nous nous limitons à indiquer un cas intéressant aux historiens des idées.

En tant que cabaliste, Benamozegh se trouvait confronté à la question primordiale du rapport entre tradition révélée et raison. Partisan inconditionnel de la libre recherche, à soutient aussi avec fermeté la vérité de certaines notions primordiales véhiculées par la cabale. Dans sa réflexion, il y a une tentative de démêler un noeud délicat de l'histoire intellectuelle juive, qui fait penser au couple chrétien raison-foi: la même infériorité, ou dépendance, de la première par rapport à la seconde, les mêmes difficultés conceptuelles. Nous pensons que si ce parallèle est acceptable, le caractère historique du judaïsme rabbinique en sortirait confirmé, puisque la tradition qui se déroule dans le temps, occuperait la place de la foi, intemporelle par essence.

Les pages qui vont suivre sont consacrées à l'examen des allures que cette question prend chez un penseur du XIXe siècle, quand la tradition - et à plu s forte raison la tradition orale - comme vecteur de vérité semblait avoir été remplacée de façon définitive par la science.

Nous analyserons aussi la transformation que la critique textuelle "scientifique" subit dans l'esprit d'un cabaliste, et comment des concepts très "modernes" sont en réalité une nouvelle proposition, à peine retouchée, de quelques idées anciennes. Tout cela, bien entendu, se passe tout à fait spontanément, et il n'y a aucune raison d'y voir une stratégie consciente de l'auteur.

Tradition divine et Raison

La question du rapport entre cabale et philosophie est loin d'être facile, et ne se présente pas de façon univoque. Historiquement, les deux attitudes ont représenté des instances conflictuelles à l'intérieur de l'élaboration intellectuelle juive. Certains auteurs parlent d'oscillation entre les deux: les excès rationalistes des philosophes auraient entraîné une réaction dans les esprits plus réfractaires à ce genre de démarche (1). Georges Vajda remarquait avec subtilité que la correspondance entre intuition et tradition conçue par de nombreux cabalistes était un véritable paradoxe (2).

Il existe bien sûr une lignée de penseurs juifs qui ont nié aussi bien l'une que l'autre, en les considérant comme des corps étrangers à la tradition "génuine". Un de ses représentants les plus illustres et les plus intransigeants - et en même temps un épigone - est Samuël David Luzzatto. Pour le rabbin de Padoue, l'esprit philosophique dans la culture juive était pénétré par la médiation de l'aristotélisme arabe du Moyen Âge, en n'apportant que confusion dans l'édifice simple et austère du judaïsme. De plus, la philosophie a imposé ses principes dans le domaine exégétique: les interprétations allégoriques, qui cherchent à déceler des vérités de raison à travers les récits bibliques, seraient une violation arbitraire du texte (3). Sous ce dernier aspect, philosophie et cabale sont finalement un seul et unique rêve (4).

Le rapport que le cabaliste entretient avec la philosophie est en revanche des plus complexes. On pourrait en résumer un des moments essentiels en, disant qu'il partage son esprit mais s'oppose à ses instruments. Il faut être doué d'un esprit philosophique pour comprendre la cabale, qui est cependant une doctrine révélée et non le résultat d'une libre recherche rationnelle.

Cette distinction est présente de façon très claire dès les débuts de l'époque de la diffusion du Zohar. Les définitions de Yoseph Ibn Waqar, qui vécut à Tolède dans la première moitié du XIVe siècle (5) seront reprises par tous ceux qui aborderont la même question: la philosophie est fondée sur l'argumentation, tandis que la Cabale est une tradition qui se veut issue des prophètes, et qui ferait donc autorité. La première s'acquiert par l'usage correct de la raison, qui isole des prémisses certaines et en tire les conséquences nécessaires. La deuxième est un savoir appris d'un maître qui fournit à l'élève les principes et les méthodes exégétiques (6).

Pour Moshe Cordovero, représentant de la cabale de Safed, (XVIe s.), la libre recherche rationnelle peut atteindre des vérités partielles, qui sont complétées par la révélation; celle-ci est par la suite véhiculée par la tradition. L'induction logique s'approche indéfiniment de la réalité, mais n'a pas les moyens d'y parvenir complètement. Dans un apologue très clair, il indique que le travail de la raison est fondé sur le doute et sur l'exclusion: Shim'on, Lévy et Yehouda regardent Reuven passer en transportant un grand sac, plié sous son poids. L'observation et la réflexion leur permettent de formuler des hypothèses sur le contenu du sac, dans une approximation croissante d'exactitude. Mais seul Reuven, qui l'a rempli, sait ce qui s'y trouve vraiment.

Si le contenu est donné, reste à savoir en quoi consisterait le travail de l'interprète: "Tout en étant héritiers, de la vraie tradition - répond Cordovero - nous devons néanmoins nous engager pour bien comprendre les versets de notre Torah et la raison de ses commandements, car nous savons qu'il y a des secrets dans les secrets et des choses cachées dans les choses cachées, et notre entendement n'a pas les moyens de puiser des secrets aussi profonds" (6bis).

Deux siècles plus tard, Moshe Hayim Luzzatto s'occupe de la même question. Dans Le philosophe et le cabaliste (7), il emploie des propos virulents contre la libre recherche, accusée de prétendre au rôle de Science, alors que la Cabale seule, en tant que doctrine révélée, peut de bon droit se targuer de ce nom:

La philosophie et la recherche font toujours du tort à cette grande Science (hokhma, la cabale), telle une servante insolente qui prétend dominer sa maîtresse. C'est une lèpre qui s'est réellement étendue en Israël à cause de nos nombreuses fautes; elle a été pour les enfants d'Israël un obstacle puissant qui a fait trébucher les hommes sages et aimant la connaissance (8).

La sévérité de ces propos anti-philosophiques ne doit pas cacher le fait que Luzzatto établit la même distinction entre les deux savoirs: sa polémique se concentre non pas contre la légitimité de la philosophie à l'intérieur d'un terrain bien délimité - mais contre sa prétendue arrogance. N'oublions pas que tout au long de cet ouvrage les questions du philosophe stimulent les explications du cabaliste: elles en constituent en quelque sorte le préambule, sinon nécessaire - la vraie Science a un caractère révélé, une origine prophétique - du moins utile. Lune n'excluant pas l'autre, de toute façon.

La formation intellectuelle de Benamozegh se fit par deux biais: ses connaissances hébraïques lui venaient en grande partie de l'enseignement de son oncle, le célèbre cabaliste marocain Yéhoudah Coriat, tandis que pour la culture séculaire il était presque totalement autodidacte. Il raconte dans une de ses rares allusions autobiographiques comme il cachait les livres de Gioberti sous le comptoir du magasin où il était employé; dans un autre passage il se décrit, enfant, lisant avec son maître le Zohar, deux fois, du début jusqu'à la fin.

Or, le milieu marocain d'où Coriat était issu n'était pas vraiment favorable à une attitude philosophique. Lui-même, quoiqu'appartenant à la partie éclairée du judaïsme marocain (9), s'exprime avec dureté envers le rationalisme (10). Quant à l'illustre Ya'akov Abihatzira - dont Benamozegh publia quelques ouvrages -, tenu pour "saint" dans la conscience populaire, sa position est encore plus extrême: le recours à la rationalité pour résoudre les problèmes fondamentaux du monde et de l'homme est, ni plus ni moins, assimilé à l'instinct du mal (yetzer ha-ra') (11).

Si telle était l'origine du judaïsme de Benamozegh, on comprend aisément pourquoi lors de la parution de son ouvrage de jeunesse sur les Psaumes il crut bon d'invoquer l'indulgence des lecteurs - avec toutefois une ironie à peine voilée:

Sachez que je me suis un peu roulé dans la boue de la philosophie, et que je ne me suis pas encore nettoyé de sa souillure. Mon entendement (kelayoth) m'a suggéré à plusieurs reprises de m'éloigner de sa demeure, mais jusqu'à présent le coeur (libbi) m'en a manqué (12).

Quelques années plus tard il sera totalement acquis à la dimension philosophique, tout en restant fidèle à sa formation traditionnelle dans la cabale. Il se posera alors la question des rapports entre les deux et parviendra à opérer une distinction: la "recherche de la vérité" n'est pas la même chose que la "tradition vraie", l'"induction philosophique" est autre que la "déduction cabalistique" (13): mais il verra dans la première une propédeutique indispensable à la seconde: "Le vrai cabaliste doit être philosophe " (14). La cabale s'inscrit ainsi dans un espace philosophique; Shimon Bar Yohaï, l'auteur (ou l'inspirateur) présumé du Zohar est décrit comme "maître de la Mishnah et philosophe".

La position de Benamozegh sur ce sujet n'est pourtant pas dénuée d'ambivalence, aussi bien dans le fond que dans la forme. D'une part, il peut écrire que sans la cabale, qui est la Science (hokhma) divine,

... nous, les enfants choyés du Créateur, qui avons scellé avec lui une alliance qui ne sera jamais annulée, nous serions à nouveau comme des aveugles qui marchent à tâtons dans l'obscurité, à la recherche d'une petite ouverture d'où la moindre étincelle de lumière pourrait nous éclairer (15).

D'autre part, il appelle Plotin "frère, proche des cabalistes" et "distingué au milieu d'une foule", parce que ses idées coïncident avec celles de la cabale; ou bien encore il fait observer qu'il y a une très grande proximité entre la "Science divine", le pythagorisme et le platonismes (16).

La terre n'aurait jamais pu atteindre les secrets du ciel, si ce dernier ne s'était penché sur elle écrit Benamozegh (17), en exaltant ainsi le rôle de la révélation (cabalistique, en l'occurrence). Mais à un autre endroit ces mêmes secrets sont mis sur un pied d'égalité avec des vérités mises en lumière par la raison humaine: telle est la signification de l'équivalence établie entre les sefiroth, à savoir les aspects de la vie interne de la divinité, et les idées platoniciennes (18).

A la fin de son parcours intellectuel, les propos de Benamozegh ne laisseront plus aucun doute: la cabale est une métaphysique exprimée de façon intuitive, et la tentative d'interpréter les idées de la première à l'aide de la seconde est non seulement légitime, mais aussi nécessaire:

Chaque fois qu'un philosophe tant soit peu idéaliste élève l'expression de sa pensée, il nous semble entendre un cabaliste qui raisonne, preuve évidente que nous ne sommes pas le jouet d'une illusion en cherchant à interpréter les uns par les autres (19).

"Pour reconnaître la parenté entre cabale et philosophie", écrit-il dans sa dernière publication, "il suffit d'avoir des yeux et n'être étranger ni à l'une, ni à l'autre" (20). Ailleurs, il les avait assimilées en tant que sciences des premiers principes (21).
Au XVIIIe siècle, les livres d'un Yoseph Ergas ou d'un Moshe Haïm Luzzatto appartenaient encore totalement à l'horizon cabalistique. Leur but était la divulgation claire et systématique de la science divine, et les argumentations philosophiques n'étaient présentées que pour être rejetées.

Cent cinquante ans plus tard, Benamozegh est obligé de sortir de ce cadre. Lui-même élève d'un maître prestigieux, et donc correspondant parfaitement sous cet aspect au modèle du cabaliste qui a reçu un enseignement direct, il voit s'interrompre avec lui la chaîne de la transmission. Il adresse alors son savoir à l'extérieur, en essayant de faire pénétrer la doctrine zoharique dans le débat philosophique européen. Dans ses écrits italiens et français, il essaiera de rendre accessibles au public cultivé juif et non-juif des idées à l'apparence obscure, en les exprimant dans la terminologie philosophique courante.
Son désir d'être reconnu, associé à une adhésion sincère aux valeurs de la fibre recherche rationnelle, le pousseront très loin dans ce sens. Son Credo - qui n'est pas constitué d'une série d'articles de foi mais d'affirmations philosophiques et religieuses démontrables - se conclut significativement par l'éloge du doute. Seul le doute, écrit-il de façon quelque peu solennelle, peut engendrer une vraie connaissance, puisque la religion, comme la philosophie et comme la science, exige recherche et impartialité (22). Mais dans d'autres écrits, adressés à un autre public, il affirme croire en, la vertu en soi de Inaccomplissement des commandements, en leur "vertu essentielle" pour ainsi dire, selon l'inspiration cabalistique. Chaque acte religieux a une valeur dans l'économie de l'univers, les mouvements d'ici-bas ont une influence sur les sphères supérieures.

Les raisons morales, nationales, historiques, qui sont données en général aux commandements, sont toutes valables, selon lui, à condition qu'on ait conscience de leur caractère insuffisant et - à la limite - pédagogique. Mais la résonance des gestes du fidèle est plus ample, et Benamozegh le "philosophe" la décrit de façon poignante dans une lettre à S.D. Luzzatto:

Demain nous écouterons, vous et moi, le son du shofar. Que signifiera-t-il pour vous?' Sans doute rien de plus qu'une explication jolie mais puérile parmi les mille qu'on lui a trouvées en dehors de la cabale; et pour l'écouter avec dévotion il vous faudra un effort de foi hors du commun. Pour moi il en est autrement, vous le savez. Chaque note a son importance, comme chaque atome de la matière est un mystère; comme chaque corps a sa place et sa valeur dans la création. Pour moi, la Torah est le modèle du monde, c'est le monde dans l'intention divine, le véritable Verbe incarné dans les commandements pratiques. Qu'est-ce que vous en pensez? Suis-je ou ne suis-je pas un ami du mosaïsme matériel? Mais d'une façon un peu différente de la vôtre, il me semble (23).

Voici donc réunis en une même personne le philosophe qui fait l'éloge de l'impartialité rationnelle et le cabaliste qui croit en l'efficacité "cosmique" de l'action.

Cette dernière doctrine trouvera enfin sa place dans un système philosophique achevé, adapté à la sensibilité européenne. Les remarques enthousiastes de la jeunesse, où la beauté des idées cabalistiques était prise à témoin de leur authenticité, laissent progressivement la place à des argumentations plus conformes à l'esprit critique de son temps. Mais même lorsqu'elles se voudront scientifiques, son herméneutique et sa critique garderont une évidente singularité.

Science, méthode et transmission

Quant à toi, cher lecteur, sache et comprends que les paroles de la Science de la vérité peuvent ou bien être comprises parfaitement, de sorte qu'elles semblent aussi claires à l'oeil que le soleil, ou bien être absolument incomprises, et elles sont alors étranges au plus haut point.

Alors quelles ont la fadeur des choses insipides pour celui qui les apprend sans les comprendre correctement, celui qui les étudie en les comprenant y trouvera une science profonde en regard de laquelle les autres sciences ne sont rien. (M.H. Luzzato, Le philosophe et le cabaliste) (24).

On ne peut pas comprendre un livre de cabale en le feuilletant, parce que cette science exige d'être étudiée de façon systématique, en commençant par ses prémisses et ses principes de base. Mais cette attitude est valable aussi pour toutes les autres sciences (Y. Ergas, Shomer Emunim, L'observant de la fidélité) (25).

On peut difficilement comprendre l'oeuvre de l'auteur livournais sans avoir bien présents à l'esprit à la fois sa participation passionnée et sincère aux programmes de la recherche savante européenne, centrée sur la philologie, et l'écart sensible qui caractérise sa démarche.

Au fil des centaines de pages de ses écrits historiques, de ses commentaires, de ses ouvrages de polémiste, Benamozegh suit des stratégies interprétatives qui le distinguent de l'atmosphère scientifique ambiante. On peut dire en première approximation qu'il s'agit de l'herméneutique d'une personne passionnée, qui vit la doctrine qu'il analyse. La conséquence de cette attitude n'est pas une violence faite aux textes pour y retrouver des idées préconçues, mais l'émergence de significations nouvelles et surprenantes. Benamozegh a parfois la capacité de captiver le lecteur par les hypothèses les plus hasardeuses, parce que le regard qu'il porte est celui d'une personne elle-même convaincue.

Contre toute attente, de longs développements sur les rites et les croyances de l'ancienne Égypte et sur leur proximité avec les idées de la cabale, cible a priori facile des moqueries des historiens (26) se révèlent passionnants. Des déductions à l'apparence fantaisiste finissent par sembler convaincantes. La sensibilité de Benamozegh, imprégnée de cabale, vibre à l'unisson avec des idées repérées dans la mythologie égyptienne - ou dans le platonisme, ou dans le néoplatonisme - et l'amène à suivre des traces et des chemins que nul autre, dans les milieux savants, n'osait emprunter.

On ne portera pas ici un jugement sur le bien fondé des thèses avancées par Benamozegh sur la "symétrie inversée" entre la mythologie égyptienne et la cabale (27) ni sur les rapports entre celle-ci et le christianisme des origines (28) même si certains débats contemporains comme la polémique autour des rouleaux de la Mer Morte ou la discussion entre Moshe Idel et les élèves de Gershom Scholem sur l'antiquité de la cabale leur confèrent au moins une pleine légitimité (29). Ce qu'il faut mettre en évidence, c'est la dissonance d'une voix dans la recherche historico-philologique du XIXe siècle, et la fécondité de cette dissonance.

Examinons rapidement un cas significatif. Benamozegh étudie le mythe d'Isis et Osiris jusque dans les moindres détails; il établit ensuite un parallèle avec ce qu'il n'a pas de difficulté à appeler la "mythologie cabalistique". Les ressemblances découvertes sont énoncées avec enthousiasme, puisque par cette voie serait démontrée l'origine commune des mythologies et surtout l'antiquité de la cabale.

Les actes accomplis par Osiris et Isis sont rapprochés de la représentation cabalistique de personnages bibliques Jacob et Rachel, Moïse et Miriam) et de leur signification métaphysique. Osiris est la version égyptienne de la sefirah Tifereth, l'idéal, l'infini, la cause finale et formelle, dans la traduction philosophique de Benamozegh. Isis correspond à la sefirah Malkhouth, le réel, la limite imposée à l'infini, la cause matérielle. Leur union est dérangée dans le mythe égyptien par Typhon, le Sammaël des cabalistes, le serpent des origines qui a souillé Eve comme Typhon a épousé Isis après avoir tué son mari Osiris. On sait que pour les cabalistes ceci n'est que la représentation anthropomorphique de la fracture au sein même de la divinité, et que le but de chaque action religieuse est justement de réparer cette fracture (30).

Le parallèle se poursuit: l'enfermement d'Osiris dans un cercueil est le symbole du rapetissement de l'idéal, lorsque celui-ci se mélange au réel. L'ouverture du cercueil fait allusion à l'idéalisation du réel, dont tout homme, et Israël en premier lieu, est responsable. Nous ne rentrerons pas ici dans d'autres détails, car cela signifierait parcourir des pans entiers de plusieurs mythologies et de doctrine cabalistique. Ce qui nous intéresse c'est de constater que l'argumentation de Benamozegh mêle les attitudes philologique et philosophique, et que c'est finalement cette dernière qui oriente sa recherche. C'est le niveau conceptuel qui l'intéresse: puisque la valeur des mots consiste à porter des idées, le critique "philosophe" atteindra plus rapidement son but qu'un autre se limitant à des analyses extérieures. La sensibilité philosophique est l'instrument cognitif qui peut trancher dans des questions érudites: "Il est inutile d'insister outre mesure sur ce sujet - écrit-il au beau milieu d'une démonstration savante - puisque toute personne sensée ressentira (yarguish) bien de quoi il est question ici" (31).

Cette herméneutique esthétisante est assurément une déviation de taille par rapport à la critique scientifique, qui faisait de la neutralité de chercheur par rapport à son objet un de ses principes fondamentaux. Or, il est bien évident que le recours à cette "sensibilité" expose Benamozegh aux dangers d'un cercle herméneutique plutôt grossier: la personne sensée ressentira et comprendra; mais n'est véritablement sensé que celui qui ressent. Il est donc impossible de bien comprendre en restant à l'extérieur d'un système symbolique donné. C'est ce qui ressort de ses propos:

Chaque science comprend - en plus de ses objets [...] - la manière, la forme (Metodo) [en italien, dans un texte hébraïque] adaptée qui la distingue des autres sciences. De même, la cabale aussi doit contenir en elle la manière que toute personne qui s'y intéresse se doit d'apprendre.

En effet, il est inutile de l'aborder en utilisant les instruments de la recherche rationnelle sans tenir compte de ses propres règles interprétatives: celles-ci en constituent une partie essentielle (32).

Chaque science exige donc d'être étudiée par sa propre méthode, cette dernière n'étant jamais neutre. On ne peut pas appliquer la même démarche à toutes les disciplines, l'objet impose le type d'analyse. Pour saisir correctement la cabale il faut être un peu cabaliste, accepter ses principes, l'observer de l'intérieur. Alors seulement on pourra apercevoir sa beauté, qui est en fin de compte la meilleure preuve de sa vérité. On revient donc au cercle interprétatif énoncé ci-dessus, qui peut s'exprimer aussi par la suprématie des droits du vécu par rapport à la neutralité scientifique du savant.

Le recenseur d'Israël et l'Humanité pour la Revue des Études Juives, bien français dans sa défense de la clarté et de la distinction, s'avoue déconcerté:

Il faut dire que Benamozegh n'a jamais bien distingué, ce semble, entre ce qui est histoire pure et ce qui est interprétation théologique, spéculation religieuse ou métaphysique. Sa tournure d'esprit est à cet égard très curieuse. Il y a en lui du moderne et de l'ancien, et leur mélange déconcerte. Avec du savoir scientifique et philosophique, il tient invinciblement de l'agadiste, du darschan. [...] C'est une curieuse et forte personnalité, en qui deux âges dé l'histoire se sont étrangement rencontrés (33).

Si on veut utiliser les termes désormais classiques de Dillthey, on dira que Benamozegh se situe sur la ligne de partage entre l'expliquer et le comprendre.

Mais en regardant de près, les allusions à la méthode nous ramènent encore une fois au thème de la tradition. Cette méthode qui doit accompagner tout genre d'étude, et qu'il faut accorder préalablement à l'objet de la doctrine, n'est que la version moderne de l'avertissement classique des cabalistes: n'aborde pas tout seul la lecture de la doctrine, procure-toi un maître; tu risques autrement de ne rien comprendre ou, pire, de comprendre mal. Le maître est ici évidemment la voix vivante de la tradition; l'approche du texte directe et sans médiations donne des résultats superficiels et trompeurs. La compréhension est davantage fondée sur la transmission que sur la communion intuitive avec le texte et le lecteur, une attitude que Benamozegh définit comme "protestante" lorsqu'il écrit en italien ou en français et "cardisante" dans ses écrits hébraïques.

S.D. Luzzatto, héraut de l'esprit de clarté, ironisait à propos de la critique que Benamozegh avait faite de sa Discussion sur la cabale: "Vous ne croirez quand même pas m'avoir opposé des arguments sérieux" lui écrit-il, condescendant (34).

Il est vrai que le Ta'am le-Shad - l'ouvrage consacré en 1863 à la critique du dialogue anti-cabalistique de Luzzatto - n'était pas une réfutation au sens propre. Dans ce livre, dont l'enjeu est pourtant historique, étant donné qu'il est surtout question de l'antiquité de la cabale, Benamozegh donne l'impression de choisir un terrain partiellement différent de celui de Luzzatto: il déplace pour ainsi dire la confrontation du plan des mots à celui des idées. Et surtout, il invite à éviter le dogmatisme, à se risquer dans des voies qui semblent impraticables mais qu'il faut avoir le courage d'emprunteer au risque de la solitude intellectuelle.

Il écrit à son adversaire de façon très claire:

Savez-vous que, si la vérité ne m'en empêchait pas, je serais capable de vous concéder que le Zohar est faux du début jusqu'à la fin, et malgré cela de vous obliger à accepter que la cabale est 'ancienne?

Qu'est-ce que le Zohar a à voir avec la cabale, la question bibliographique avec la question critique ou théologique (35)?

S.D. Luzzatto, tout comme son contemporain Ytzhaq Samuel Reggio - et bien avant Léon de Modène et Eliyahou Del Medigo, pour ne parler que du milieu juif italien - attaquaient la cabale surtout pour ses prétentions à vouloir représenter une tradition authentique qui remonterait à Moise: en d'autres termes, ils focalisaient la polémique sur un plan éminemment documentaire. Or, Benamozegh réagit sans négliger les contre-arguments d'ordre philologique, mais déplace en même temps la discussion sur un autre terrain. Lorsqu'il écrit qu'une des raisons de la disparition temporaire de la cabale était "son excellence et son élévation" (36) qui auraient provoqué une transmission difficile, il insère dans l'analyse un jugement de valeur. Finalement, l'argument décisif en faveur de la vérité, et donc de l'antiquité de la cabale, semble être sa beauté et sa profondeur; quiconque goûte à ses délices, dit en somme Benamozegh, ne pourra plus nier son origine transcendante (37).

Entre les deux positions, l'une scientifico-empirique et l'autre métaphysico-intuitionniste (mais profondément ancrée dans la tradition), le dialogue semble impossible. Il faut ajouter que les adversaires modernes de la cabale rentrent rarement dans les détails de la doctrine et se limitent en général à constater son manque d'originalité et la bizarrerie de ses formulations.

Mais la cabale qu'ils visent semble être la caricature de celle décrite par Benamozegh. Le cabaliste qu'ils ont à l'esprit est une personne bornée et dogmatique, qui refuse la recherche et se contente de lire les mots sans les comprendre.

Ainsi Reggio publie les oeuvres anti-cabalistiques de Del Medigo et de Léon de Modène en ajoutant des gloses extrêmement sévères, où les cabalistes contemporains sont décrits comme des ennemis de la libre recherche (mehqar) qui se cachent derrière une notion de "secret révélé" inexpliqué et inexplicable (38). Le cabaliste mis en scène par S.D. Luzzatto dans son dialogue avoue de son côté ne rien comprendre aux commentaires ésotériques, qu'il croit pourtant vrais parce que de grandes autorités du passé l'on dit (39).

L'incompréhension ne pouvait être plus grande: la cabale "philosophique" de Benamozegh n'avait pas de chances d'être prise sérieusement en considération par les milieux intellectuels européens - sauf peut-être par certains courants de l'idéalisme allemand. Notre auteur connaissait bien l'oeuvre de Molitor, mais déclare vouloir éviter un effet de mode trop facile. Quant aux juifs occidentaux, le mot "cabale" évoquait à l'époque surtout le hassidisme, lequel était, pour des esprits éclairés, synonyme d'obscurantisme et de superstition (40).

Benamozegh partage cette aversion pour la tournure que la cabale avait prise chez les hassidim au XIXe siècle. Il emploie des paroles très dures à leur égard: il parle d'abus commis au nom de la cabale, de superstitions et de mépris pour les sciences humaines. Le professeur de théologie se sentait aux antipodes par rapport aux "rabbins thaumaturges de Russie et de Pologne, dont la cabale pratique [était] à l'origine de l'hostilité répandue vis-à-vis de la cabale spéculative" (41).

Il s'agissait donc d'un malentendu, mais trop bien enraciné pour que celui qui a été défini comme l'héritier manqué de l'école pythagoricienne d'Italie puisse faire entendre sa voix authentiquement philosophique.


Notes

1. G. Scholem, Les grands courants de la mystiquejuive, trad. franç. de G. Vajda, Paris 1983, p. 48; M. IDEL, Kabbalah - New perspectives, New Haven 1988, passim; ID., Maïmonide et la mystique juive, trad. franç., Paris 1989, p. 3.

2. G. VAJDA, Introduction à la pensée juive du Moyen Âge, Paris 1947, p. 197.

3. Wikkouah 'al hokhmath ha-qabbalah (Dialogues sur la cabale), Gorizia 1852, p. 51.

4. Ibid., p. 62.

5. Voir G. VAJDA, Joseph Avraham Ibn Waqar et sa tentative de conciliation de la philosophie et de la religion, dans ID., Recherches sur la philosophie et la kabbale dans la pensée juive du Moyen Âge, Paris 1962.

6. Ibid., p. 143.

6bis. M. Cordovero, Ileima Rabbati, Lvov, Vl/7, cité dans Shemuel HOVODETZKY, Torah ha-Qabbalah shel Moshe Cordovero (La cabale de M. Cordovero), Jérusalem 1951, p. 227.

7. M.H. Luzzatto, Hoqer ou-meqoubal, trad. franç. de J. Hansel, Paris 1991.

8. Ibid., p. 79.

9. Voir DAN MANOR, Kabbale et Éthique au Maroc. La voie de Rabbi Jacob Abihatzira, Jérusalem 1982 (en hébreu), P. 15.

10. Yéhoudah Coriat, Ma'or wa-shemesh (Le luminaire et le soleil), Livourne 1839, Introduction, pi 6a.

11. MANOR, cit., p. 77. je signale ici que Dan Manor a formulé dans ce livre l'hypothèse qu'Elie Benamozegh est né à Fez et a étudié avec Abihatzira. Il le déduit de quelques phrases que Benamozegh, en tant qu'éditeur, a insérées dans un ouvrage du cabaliste marocain. A mon avis l'hypothèse n'est pas fondée, mais le fait même qu'un chercheur sérieux ait pu la concevoir démontre jusqu'à quel point la personnalité intellectuelle de Benamozegh était véritablement enracinée dans des mondes aussi éloignés.

12. Nir le-David (Le sillon de David), Livourne 1858, introduction. Je crois que 1'utifisation de termes "entendement" et "coeur", inversée par rapport à l'usage habituel, soit ici recherchée par l'auteur.

13. Eimath Mafguià' (La crainte de celui qui frappe), Livourne 1855, 9a.

14. Ibid., 6a.

15. Ibid., 6b.

16. Taam lesbad (Nouveaux dialogues sur la Kabbale), Livourne 1863, p. 141 et 155.

17. Eimath Mafguià', p. 9a.

18. Taam lesbad, p. 140, et Em la-Miqra (La matrice du texte), Livourne 1862, Deutéronome 174b.

19. Israël et lHumanité, Paris 1914, p. 352.

20. Bibliothèque de l'hébraïsme, n. 1, Livourne 1897, section "Théosophie" p. 6.

21. Les origines des dogmes chrétiens, p. 41 du manuscrit conservé dans les archives de la communauté juive de Livourne.

22. Teologia, Livourne 1877, p. 277.

23. Lettere dirette a S.D. Luzzatto, Livourne 1890, p. 74.

24. O.C., p. 81.

25. Amsterdam 1726, p. 6a.

26. S.D. Luzzatto n'est pas tendre avec Benamozegh. Il lui écrit en ridiculisant son "Jésus devenu cabaliste", et conclut sa lettre avec ces petits vers: "Suo devotissimo S.D.L. / fedele ai veri schietti / a favole non misti; / amico della pace / anche coi misticisti, / anche coi gesucristi". La lettre est datée du 8/9/1863.

27. Israël et lHumanité, passim.

28. Ces rapports font l'objet du volumineux manuscrit Les origines des dogmes chrétiens, qui dans l'intention de l'auteur aurait du constituer la première partie de Morale juive et morale chrétienne.

29. Par une démarche qui n'est pas trop éloignée de celle de Benamozegh, Idel invoque dans Kabbalah, new perspectives une approche historique qui tienne compte de la possibilité d'une lente maturation de la tradition ésotérique juive. L'apparition quasiment soudaine de la littérature cabalistique espagnole "reflects earlier stages of development that have eluded historical documentation" (p. 21) et cache "a silent growth of ancient Jewish esotericism" (p. 32). Cette attitude de Idel semble partagée par C. MOPSIK: voir Une querelle à Jérusalem: la féminité de la Chekhina dans la cabale dans Pardès, Paris 1990.

30. Em la-Miqra, Deutéronome 147a.

31. Ibid., 149a. Voir aussi l'Introduction générale aux Monuments de la Tradition (en hébreu) dans la revue "Ha-Levanon", III, Paris 1866, p. 75.

32. Emath Mafguià', 15a. Il est intéressant de comparer cette attitude avec celle exprimée par Georges Vajda à propos de l'antiquité de la Cabale: "Ici le philosophe trouve mieux son compte que l'historien et le philologue: il apparaît (...) qu'il y a dans la Kabbale quelque chose d'antique, mais ce quelque chose est infiniment délicat à saisir, car ce n'est qu'un ensemble de tendances Voir Introduction à la pensée juive du Moyen Âge, p. 199.

33. REJ n. 13, Paris 1914, p. 121. Le compte rendu est signé M. Vexler.

34. S.D. Luzzatto, Lettre datée du mois d'Août 1863. Index n. 1185.

35. Lettere dirette a S.D. Luzzatto, p. 66. Dans Taam lesbad p. 32 et p. 50 Benamozegh reconnaît tranquillement que le Zohar pourrait être un travail d'assemblage.

36. Emath Mafguià, -p. 4b.

37. Ibid., p. 2b et passim.

38. ISAAC Samuel RFGGIO, Yalqouth Yashar (Recueil de Yashar, acrostiche du nom

de l'auteur), Gorizia 1854, vol. 1, p. 101.

39. S.D. Luzzatto, Wikkouah, p. 46.

40. Ibid., préface.

41. Il sig. Reynach e la cabbala, dans Il Vessilo Israelitico, Casale 1892, p. 323; Sulla Cabbala (une polémique avec le rabbin E. Lolli), ibid. 1894, p. 218 s.; Israël et l'Humanité, introduction, p. 71.


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